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Témoignage sur l'Aventure AD'Air. Par Guy Wardavoir
Avant de passer aux témoignages sur l'aventure Aviasud, voici un dernier témoignage sur l'Aventure AD'Air, le mien !
Dans les années 70 (1900 !) j’habitais le Var et découvrais le vol libre à l’occasion d’un camp de vacances à proximité de la Colmiane au-dessus de Nice, comme éducateur stagiaire, c’était l’extension de mes bras dont j’avais toujours rêvé et je m’éclatais comme un fou au propre et au figuré …parfois..
En 1980, marié et installé en Normandie je m’étais remis à l’avion n’ayant pas de pente à proximité de la maison mais je n’arrivais pas à retrouver le plaisir pris en vol libre.
Salon du Bourget 1981, je suis à l’arrêt devant un appareil exposé devant le pavillon américain, il est trop beau, blanc avec des bandes jaune, orange, rouge, les câbles gainés blanc, les tubes bleus, j’en rêvais et il existe ; c’est un Quicksilver monoplace…je harcèle le commercial, ça vole comment ?, c’est combien le prix, les délais, c’est où pour l’avoir, comment pour confirmer une commande…l’importateur est en Angleterre et n’accepte pas les chèques mais du cash ça irait…je lui assure revenir au plus tard dans deux jours pendant le salon avec un acompte…y a plus qu’à convaincre Brigitte !
Brigitte n’est pas contre mais il manque un peu de monnaie ; qu’à cela ne tienne nous revendons, pour faire le compte, une belle armoire Normande qu’un copain lorgnait et on verra pour le solde plus tard !
Aussitôt dit aussitôt fait je repars pour Le Bourget et confirme ma commande sur un coin de table tout confiant mais ne sachant pas pour autant comment je vais pouvoir utiliser la bestiole et l’identifier…j’ai un peu de temps, 1 mois, le délai annoncé, pour me renseigner.
Un mois ½ passe les appels téléphoniques se suivent et se ressemblent ; oui ça va venir ne vous inquiétez pas on vous appellera. Jean Pierre Lloret, copain motard et commerçant par ailleurs me dit que ça sent un peu le pâté et qu’il serait peut-être bon de faire un saut en Angleterre.
Banco, le week-end suivant nous partons Jean Pierre, son épouse, Brigitte et moi dans notre J7 bringuebalant, traversée épique en ferry la mer est forte mais ne nous plaignons pas hier c’était tempête et certaines traversées ont même dû être annulées.
Nous arrivons enfin, au petit matin, sur un terrain au sud de Londres (ils sont nombreux) où est basé notre importateur. La vision est apocalyptique : comme c’est souvent le cas en Angleterre, de nombreux appareils restent au parking dehors et la tempête d’hier a fait de nombreux dégâts. Beaucoup de monde s’affaire à démonter et mettre à l’abri ce qui peut encore être utilisable, tout est ouvert et en me baladant dans les hangars je ne vois pas de machine qui corresponde à celle commandée et pour cause : le commercial que j’avais vu à Paris me confirme que mon appareil n’a pas été commandé ou qu’il a déjà été revendu à quelqu’un d’autre et que par ailleurs le boss s’est fait la valise il y 2 jours avec la caisse…
Gloups !
Coup de chance notre gars se rappelle que j’avais bien payé une bonne partie de l’appareil et il m’invite à me servir dans le hangar pour me reconstituer un appareil complet à partir d’une ou deux machines en attente de livraison…donc surement la mienne !
On ne se fait pas prier et tout est embarqué en une heure et nous voilà sur la route du retour sans facture ni document douanier…on a toutefois pris la précaution de mettre l’appareil en petit morceaux afin qu’il ressemble au kit d’origine à savoir un tas de tubes…
Le passage à la Douane est bon enfant, le douanier me prend pour un pilote qui aurait fait une des premières traversées de la Manche il y a quelques jours et vu l’apparence de « l’aéronef » il n’est à aucun moment question d’un formulaire quelconque…côté Français, « zavez quelque chose à déclarer ? » « Ben non », « bon circulez » ouf !
Cet appareil fut ensuite immatriculé F-WYZU, à l’époque l’identification département + lettres n’existait pas encore. Cet appareil m'apportait d’énormes satisfactions, il était facile à piloter et j’avais eu la chance d’acheter, au feeling, ce qui se faisait de mieux à l’époque !
C’était début 1982, AD’Air, le futur importateur des ulm Quicksilver qui débutait, n’avait pas encore d’appareil et m’avait sollicité pour que mon appareil soit essayé par le journaliste de la revue Finesse 10. Pourquoi pas, je trouvais ça amusant et puis c’était l’occasion de rencontrer d’autres pratiquants car dans l’Orne où j'habitais à l’époque ils se comptaient sur les doigts d’une seule main !
Le jour arrive, le journaliste accompagné d’un ami arrive aussi. Le journaliste s’appelle Gilles Bru, rien d’étonnant à l’époque, plus aujourd’hui pour les jeunes déb’s qui viennent de naître quand on sait que Gilles a ensuite été le fondateur de l’entreprise Air Création…
L’appareil étant monoplace je fais d’abord un petit vol de démo à Gilles suivi d’un amphi « cabine » et conseils divers...roule ma poule…
Gilles part faire son essai, fait quelques tours de piste et hangar afin que son ami assure quelques photos et se pose satisfait et avec assez d’éléments pour son compte rendu.
L’ami de Gilles me demande s’il peut aussi essayer l’appareil ; confiant je lui dis que je n’y vois pas d’objection et refais un petit amphi « cabine » …la suite fut plutôt courte : notre ami P. décolle et commence à nous faire 2 ou 3 évolutions extrêmes, au début je me dis qu’il est balèze mais quand même un peu gonflé de faire des évolutions aussi serrées aussi près de nous et du sol et je comprends assez vite qu’en fait il fait ce qu’il peut et il peut peu !
Ça se termine rapidement, 3 mn plus tard, par un joli planté tout droit à 20 mètres de nous…personne ne pense à prendre une photo car on est plutôt préoccupé par ce que l’on pense découvrir au milieu de l’amas de tubes…Ben non l’ami P., en fait c’est de moins en moins un ami, est sonné mais n’a rien…il ne comprend pas ce qui s’est passé mais nous on comprend mieux car Gilles nous explique que P. qui l’accompagne souvent sur ses reportages abime presque à chaque fois, à des degrés divers, un appareil…en fait P. apprend à piloter comme ça et je le hais franchement..
La scène n’ayant pas eu d’autres témoins que nous, nous démontons prestement le tas de tubes et remballons dans mon J7 pendant que P. tourne autour de nous un peu hagard…
Côté financier je peux juste dire que P. trouve une solution et tout sera pris en charge. Je serai un des premiers clients pièces détachées d’AD’Air !
Parce que nous le valons bien !
Mon Quick mono vient d’être refait et j’envisage de le revendre pour acheter un Quick biplace que je souhaite prêt pour le Premier Londres Paris.
J’ai un acheteur du côté du Castellet, bon ce n’est pas à côté mais il n’y a pas encore foule d’acheteurs comme après le Londres Paris.
J’y vais donc, l’histoire est courte : l’acheteur veut bien sûr voir voler l’appareil, normal, je le monte et décolle ensuite de là où je suis et face au vent…à l’époque personne ne trouvait à y redire, de toutes façons les pilotes d’ulm étaient assimilés, non sans raison, à des fous !
J’en profite pour me faire plaisir et faire quelques petites évolutions serrées sur place face au vent quand je ressens un tout petit choc sur mon casque et j’entends un petit bruit sec avant de voir tomber sur mes genoux, comme au ralenti, un écrou !!!???? Je suppose que je suis livide, en tous cas mon cœur a pris des tours et je réduis immédiatement ma vitesse, sur un Quick ça veut dire que tu vas vraiment lentement et j’évite toute manœuvre brusque tout en essayant de trouver d’où peut bien venir cet écrou…je trouve : chaque bord d’attaque est fixé sur un gros cavalier et ces deux cavaliers sont réunis sur la poutre principale avec une vis qui traverse la poutre…et un écrou…qui n’y est plus !
A chaque secousse tout ça s’écarte gentiment et j’essaie de descendre le plus doucement et le plus gentiment possible…heureusement tous les câbles bien tendus maintiennent l’ensemble et évitent que ça ne parte en sucette… l’impression d’impuissance est terrifiante, je ne peux même pas me raccrocher à l’idée du parachute, à l’époque cela n’était pas encore courant …pas de tour de piste, posé direct en final …retour vers les amis, le client est satisfait et ne souhaite pas voler car il doit finir sa formation…ça tombe bien car je n’envisageais pas de le lâcher aujourd’hui…en fait il ne saura jamais rien de ma mésaventure mais c’est depuis ce jour que je pointe toute la boulonnerie de tout appareil qui est monté pour la première fois ou qui a été démonté et que je remonte, avec un beau rouge à ongles carmin…parce que nous le valons bien !
Comme beaucoup de vieux déb’s j’ai essuyé les plâtres de beaucoup d’essais de nos « constructeurs » parfois apprentis sorciers mais heureusement j'ai débuté avec des Quicksilver avec lesquels je n'ai pas eu de problème particulier, hormis les fameux facteurs humains, y compris avec ceux équipés de moteurs Cuyuna qui ne m'ont jamais fait défaut.
Vient ensuite l'époque bénie de ma collaboration professionnelle avec AD'Air, société pour laquelle j'avais les fonctions de magasinier, mécano, traducteur de manuel, monteur, testeur, commercial...
Contacts toujours enrichissants avec l'équipe et particulièrement Alex, boss à l'avant garde à l'époque avec des manuels de montage en français, une newsletter « les faucheux ed'marg'rites », un suivi rigoureux des machines/clients, une grande tournée de contrôle gratuit des appareils à travers la France, le soutien aux participants du Grand Prix de France ulm avec mises à disposition des pièces détachées...la liste est longue.
Courant 2002, en préparant le Tour ulm, je découvre et fais l'acquisition d'un Quicksilver MX abandonné dans un coin de hangar, 0 h de vol car les propriétaires, pilotes avion, ne se sentent pas d'y aller...15 jours plus tard, je redécouvre ce qui m'avait fait rêver plus de 20 ans plus tôt : putain con (avé l’accent !) on n’a pas fait mieux depuis, quel pied, j'ai retrouvé mes ailes au bout de mes bras, la boucle est bouclée, merci AD'Air !